Chronique d'un changement de nom
18:39En plus de ma généalogie, j’ai également commencé celle de ma belle-famille. Cela me permet en plus d’étudier une famille d’origine lorraine, là où j’ai longtemps habité mais où je n’ai aucune racine.
Je me suis mise en tête d’élucider une vieille légende familiale : un arrière-arrière-grand-père aurait changé de nom pour se marier après avoir été curé à Koenigsmacker (Moselle). Il serait alors devenu instituteur. Le nom familial daterait de cette époque.
Chronique d'un changement de nom : Jacques WEISS (1851-1943)
Les recherches
Il a été assez long d’en savoir un peu plus sur cette histoire, car j’avais peu de renseignements. De plus, les archives en ligne de la Moselle sont assez lacunaires, et je ne suis pas souvent sur place. J’ai donc retrouvé mon ancienne habitude d’écrire aux mairies, et d’attendre régulièrement leur réponse.Petit à petit, j’ai retrouvé la trace de l’arrière-arrière-grand-père en question. Il se nomme Jacques WEISS (5ème génération), et il a 42 ans à la naissance de son fils, en 1894. Il est donc né vers 1852.
Puis, grâce à Généanet, j’ai découvert que son épouse est née en 1860 à Nancy (Meurthe-et-Moselle). A tout hasard, j’ai recherché leur acte de mariage à Nancy, et je l’ai finalement trouvé en 1882. J’y ai appris que Jacques a bien été instituteur et qu’il est né à Koenigsmacker en 1851. Il est le fils de Jean (6ème génération) et d’Elisabeth KOLL.
Après cela, j’ai enfin pu obtenir son acte de naissance, où j’ai découvert qu’il est né sous le nom de Jacques VEIS. Il a donc bien été enregistré sous deux noms différents : VEIS à sa naissance à Koenigsmacker puis WEISS à son mariage et à son décès en Meurthe-et-Moselle. La Moselle étant passée germanique en 1871, entre sa naissance et son mariage, cela ne paraîtrait pas étonnant qu’il ait germanisé son nom.
Extrait de l’acte de naissance de Jacques VEIS, Koenigsmacker (57), 1851
Je me suis ensuite intéressée à son père, Jean (6ème génération). Il est décédé en 1880, mais sous le nom de Jean VEISSE. Son frère François, a signé VEISSE. Il s’est marié en 1847. Le maire le nomme alors Jean VEISSE mais son frère, Pierre, signe VIES. L’orthographe n’est pas très fixée à l’époque, même pour les patronymes, donc ce n’est pas très surprenant. Jean est né en 1819 sous le nom VEISSE.
Signature de Pierre VEISSE sur l’acte de mariage de Jean VEISSE, Basse-Ham (57), 1847
Son père Jean (7ème génération) est aussi nommé VEISSE à son décès en 1826, mais Jean WEIS à son mariage en 1816. De plus, lui et son père Jean (8ème génération) signent « Johannes WEIS (ou VEIS) ». A cette époque, la Moselle est française mais la population de l’arrondissement de Thionville parle un patois germanique. J’ai retrouvé de nombreux actes de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle où les noms sont français (Jean, Jacques…) mais les signatures sont germaniques (Johannes, Jacob…).
Signature de Jean WEIS (7ème génération) sur son acte de mariage, Budling (57), 1816
Signature de Jean WEIS (8ème génération) sur l’acte de mariage de son fils Jean, Budling (57), 1816
Quant à cette histoire de curé, je n’ai pas (encore ?) trouvé d’informations à ce sujet. Il y a bien un curé nommé Jean WEISSE au Hackenberg (ancienne commune de Budling) entre 1869 et 1873. Mais à cette époque, Jean VEISSE (le père de Jacques) s’est déjà marié et a déjà eu ses enfants. C’est donc très peu probable qu’il devienne alors curé. De plus, la famille réside à Koenigsmacker, un village situé à 10 km. Or, le curé résidait toujours dans la commune dont il administrait l’église.
En résumé
Il y a bien eu un changement de nom dans les actes de Jacques WEISS, mais l’orthographe des noms est fluctuante à l’époque, notamment en Alsace et en Moselle qui passent de la France à l’Allemagne avant de redevenir françaises.D’ailleurs, ses ancêtres ont aussi eu des noms fluctuants :
8ème génération : Jean WEIS signe « Johannes WEIS (ou VEIS) » ;
7ème génération : Jean WEIS à son mariage en 1816 puis Jean VEISSE à son décès en 1826. Il signe « Johannes WEIS (ou VEIS) » ;
6ème génération : Jean VEISSE à tous ses actes, son frère signe « VIES »;
5ème génération : Jacques VEIS à sa naissance puis WEISS à son mariage. Il signe « WEISS ».
Mon hypothèse (pour l’instant)
La famille se nommait probablement WEIS à l’origine. Elle parlait un patois germanique. Mais la région est française depuis assez peu de temps au début du XIXe siècle, et les patronymes sont fréquemment francisés. Vers les années 1820, les maires commencent donc à écrire VEISSE, parfois VEIS, mais les individus continuent à signer comme ils l’ont appris, en patois.En 1871, avant le mariage de Jacques, la Moselle redevient allemande. Jacques obtient un patronyme germanique, WEISS. Il s’agit peut-être d’un choix personnel, car son père conserve son nom VEISSE sur son acte de décès en 1880.
Alors pourquoi avoir choisi WEISS et non pas WEIS, comme ses ancêtres ? Probablement parce qu’il s’agissait d’un patronyme en patois, et que WEISS, lui, est en « bon » allemand.
Sources
Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : registres d'état civilNancy : M 1882 (2 Mi-EC 394/R 15)
Registres d'état civil de Moselle (demandés en mairie)
Basse-Ham, Koenigsmacker, Hodling
Geneanet : Généalogie de BrigitteDAUSCH, Généalogie de Annie KORZEN
Cercle généalogique Yutz-3 Frontières : livre des familles de Buding, Budling, Veckring
2 commentaires
Quel travail de fourmi!
RépondreSupprimerEt que de changement de patronyme! Je n'avais pas encore pensé à me pencher sur les signatures, je rajoute cette tâche à ma longue liste! Merci! :)
Je retrouve parfois cela chez mes ancêtres mais avec des variations biens plus "classiques" comme des doubles consonnes qui disparaissent ou apparaissent.
Merci !
RépondreSupprimerLes signatures peuvent être intéressantes quand il y a un doute sur le nom, les maires écrivent les noms comme ils l'entendent mais les individus signent comme ils l'ont appris. Moi non plus je ne m'étais pas vraiment penchée dessus auparavant mais là ça devenait nécessaire ;-)
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